L'infertilité féminine représente un défi majeur pour de nombreuses femmes, affectant environ 15% des couples en âge de procréer. Un facteur souvent négligé, mais potentiellement crucial, est un taux de prolactine anormalement élevé. Cette hyperprolactinémie, caractérisée par un taux sanguin de prolactine supérieur à la normale, peut avoir des répercussions significatives sur la fertilité, et la santé en général. Comprendre ses causes est donc essentiel pour un diagnostic et un traitement efficaces.
La prolactine, hormone principalement produite par l'hypophyse antérieure, joue un rôle clé dans la lactation post-partum. Stimulée par la succion du sein du nourrisson, elle permet la production et la sécrétion de lait maternel. Cependant, des niveaux élevés de prolactine en dehors de la grossesse et de l'allaitement peuvent perturber l'équilibre hormonal, affectant la fonction reproductive et engendrant divers symptômes. Une compréhension approfondie des mécanismes à l’origine de l’hyperprolactinémie est capitale pour une prise en charge appropriée.
Causes physiologiques d'un taux élevé de prolactine
L'hyperprolactinémie peut résulter de plusieurs dysfonctionnements physiologiques, souvent liés à des problèmes au niveau de l'hypothalamus et de l'hypophyse, mais aussi à des affections d'autres organes. Ces déséquilibres hormonaux peuvent perturber la régulation de la prolactine, conduisant à une production excessive.
Troubles hypothalamo-hypophysaires
L'hypophyse, glande endocrine de la taille d'un pois, située à la base du cerveau, joue un rôle central dans la régulation hormonale. L'hypothalamus, région du cerveau adjacente à l'hypophyse, contrôle la sécrétion de nombreuses hormones, dont la prolactine, via la libération de la dopamine. Des anomalies à ces niveaux peuvent entraîner une hyperprolactinémie.
- Macro-adénome hypophysaire : Une tumeur hypophysaire de plus de 10 mm de diamètre peut comprimer l'hypophyse, perturbant la production et la libération des hormones. Ces adénomes prolactinomes représentent la cause la plus fréquente d'hyperprolactinémie. Ils peuvent se manifester par des céphalées, des troubles de la vision (baisse de l'acuité visuelle, vision périphérique altérée), et des symptômes liés à des déficits hormonaux. L'IRM cérébrale est l'examen de choix pour le diagnostic, avec une sensibilité de détection supérieure à 95%.
- Micro-adénome hypophysaire : Plus petits que 10 mm, ces adénomes sont souvent asymptomatiques et peuvent être découverts fortuitement lors d'examens d'imagerie pour d'autres motifs. Le diagnostic peut être complexe, nécessitant une corrélation entre les taux de prolactine et l'imagerie médicale.
- Autres tumeurs hypophysaires : Des tumeurs non-fonctionnelles ou sécrétant d'autres hormones peuvent également induire une hyperprolactinémie secondaire à la compression de l'hypophyse.
- Hypothyroïdie : Un déficit en hormones thyroïdiennes peut stimuler la sécrétion de prolactine. Ceci est dû à une diminution de la production de dopamine, qui inhibe normalement la libération de prolactine. Dans environ 20% des cas d'hypothyroïdie, une légère élévation de la prolactine est observée.
- Insuffisance rénale chronique : Les reins participent à l'élimination de la prolactine. Une altération de la fonction rénale peut donc conduire à une accumulation de prolactine dans le sang, entraînant une hyperprolactinémie légère à modérée.
Causes médicamenteuses
De nombreux médicaments, utilisés pour traiter diverses affections, peuvent entraîner une hyperprolactinémie comme effet secondaire. Il est primordial de consulter un professionnel de santé avant d'interrompre un traitement, même en cas de suspicion d'hyperprolactinémie induite par un médicament. Un arrêt brutal peut avoir des conséquences néfastes pour la santé.
- Antipsychotiques (neuroleptiques) : Les antipsychotiques, tels que l'halopéridol, la chlorpromazine et la rispéridone, sont fréquemment associés à une hyperprolactinémie. Le mécanisme implique un blocage des récepteurs dopaminergiques, inhibant la régulation négative de la prolactine. Plus de 70% des patients traités par neuroleptiques présentent une élévation du taux de prolactine.
- Antidépresseurs : Certains antidépresseurs, notamment les tricycliques et certains ISRS, peuvent augmenter le taux de prolactine, bien que ce soit moins fréquent qu'avec les neuroleptiques.
- Opiacés : L'utilisation d'opiacés, notamment à forte dose et sur une longue durée, peut induire une hyperprolactinémie. L'incidence de ce phénomène est variable et dépend de la substance utilisée.
- Antihypertenseurs : Certains antihypertenseurs, comme certains bêtabloquants, peuvent également avoir un impact sur la sécrétion de prolactine.
- Métoclopramide : Ce médicament, utilisé pour traiter les nausées et les vomissements, est connu pour stimuler la libération de prolactine.
Autres causes
Outre les troubles hypothalamo-hypophysaires et les médicaments, d'autres facteurs peuvent contribuer à une hyperprolactinémie. Ces facteurs sont souvent moins fréquents mais doivent être pris en compte lors du diagnostic.
- Stress et anxiété : Un stress chronique et intense peut perturber l'équilibre hormonal et stimuler la production de prolactine. La gestion du stress et des facteurs psychosociaux est donc importante.
- Stimulation du mamelon : Une stimulation répétée ou prolongée des mamelons, même involontaire (frottement de vêtements), peut déclencher la libération de prolactine. Ceci peut se produire chez certains sportifs ou individus avec des habitudes particulières.
- Grossesse et allaitement : Une augmentation significative du taux de prolactine est physiologique pendant la grossesse et l'allaitement. Elle est nécessaire à la lactation et diminue progressivement après le sevrage.
- Maladies hépatiques : Une atteinte hépatique peut altérer le métabolisme de la prolactine, conduisant à une accumulation dans le sang.
- Hypogonadisme : Un dysfonctionnement gonadique (ovaires chez la femme, testicules chez l'homme) peut être associé à une hyperprolactinémie. Le lien exact n'est pas toujours clairement établi.
- Syndrome de Sheehan : Cette affection rare résulte d'une nécrose de l'hypophyse post-partum, souvent due à une hémorragie post-partum sévère. Elle peut entraîner une insuffisance hypophysaire, incluant une diminution ou une absence de production de prolactine, ou au contraire une hyperprolactinémie.
Symptômes associés à un taux élevé de prolactine
Les manifestations cliniques de l'hyperprolactinémie varient selon le sexe et le niveau d'élévation du taux de prolactine. Certains symptômes sont spécifiques, tandis que d'autres peuvent être non spécifiques et nécessitent un diagnostic différentiel.
Chez les femmes : L'aménorrhée est un symptôme fréquent, affectant près de 75% des femmes atteintes d'hyperprolactinémie. La galactorrhée est également courante. L'infertilité est une conséquence fréquente, liée à l'inhibition de la libération des gonadotrophines hypophysaires (FSH et LH). Des troubles de l'humeur, une diminution de la libido, et une sécheresse vaginale peuvent également être observés.
Chez les hommes : Une diminution de la libido et des troubles de l'érection sont fréquemment rapportés. La gynécomastie peut survenir dans un pourcentage significatif des cas. L'infertilité, liée à une diminution de la production de testostérone, peut également être constatée.
Symptômes non spécifiques : Des céphalées, des troubles de la vision , et une fatigue importante sont possibles. L'absence de symptômes spécifiques souligne la nécessité d'un diagnostic médical basé sur des examens biologiques et d'imagerie.
Diagnostic et traitement de l'hyperprolactinémie
Le diagnostic de l'hyperprolactinémie repose sur la mesure du taux de prolactine plasmatique par une simple prise de sang. Il est important de réaliser ce dosage à jeun, en évitant tout stress physique ou émotionnel juste avant le prélèvement, car ces facteurs peuvent influencer temporairement les taux de prolactine. Un taux de prolactine élevé suggère une hyperprolactinémie, mais ne permet pas à lui seul d'en déterminer la cause.
Des examens complémentaires sont nécessaires pour identifier la cause sous-jacente. Une IRM de l'hypophyse est indispensable pour rechercher la présence d'adénomes hypophysaires. Des tests hormonaux permettent de détecter d'éventuels troubles associés. Une échographie thyroïdienne peut être indiquée dans certains cas.
Le traitement de l'hyperprolactinémie dépend de la cause identifiée et de la sévérité des symptômes. Dans les cas d'adénomes prolactinomes, un traitement médicamenteux à base d'agonistes dopaminergiques est le traitement de première intention. Ces médicaments inhibent la sécrétion de prolactine et peuvent réduire la taille des adénomes. Dans certains cas, une chirurgie trans-sphénoïdale peut être envisagée pour retirer l'adénome.
En cas d'hyperprolactinémie induite par un médicament, l'adaptation du traitement ou son arrêt progressif sous surveillance médicale sont nécessaires. Pour les autres causes, le traitement se concentre sur la prise en charge de la pathologie sous-jacente. Un suivi médical régulier est crucial pour évaluer l'efficacité du traitement, ajuster la dose des médicaments si nécessaire, et surveiller l'évolution de l'état du patient. La durée du suivi est variable et dépend de la cause et de la réponse au traitement.